Ursula est une chienne sans histoire, toujours de bonne humeur, bien intégrée dans sa famille qui prend soin d’elle, voilà des années que la vie est douce pour tout le monde dans ce foyer. Jusqu’au jour où le ciel est tombé sur la tête de ses humains parce qu’Ursula a failli mordre son humaine.
Une journée en apparence comme les autres
C’est une chienne bouvier bernois de 7 ans, en bonne santé même si elle commence à ralentir le rythme. Les balades sont un peu plus courtes mais la famille compense avec d’autres activités comme de la mastication de produits naturels (fromage de yak, tendons et oreilles séchés…), des rencontres avec congénères qu’elle apprécie et beaucoup de temps ensemble dans les activités du quotidien…
Ce matin-là, son humaine la brossait comme d’habitude. Ursula apprécie généralement ce moment et le montre en arrivant à grandes enjambées lorsqu’elle entend qu’on sort sa brosse. Pas d’exception ce jour-là, son humaine est agenouillée, le brossage dure depuis quelques minutes déjà lorsqu’elle contourne Ursula pour changer de côté. Subitement, Ursula tressaillit et manque de la mordre : ses dents claquent à quelques centimètres de son visage.
L’incompréhension est totale… et même pire, la dame est si surprise qu’elle ne reconnaît plus sa chienne. Depuis, la confiance est brisée et malgré les jours qui passent, ses humains en viennent à douter de ses réactions dans des situations tout à fait banales auxquelles ils n’auraient jamais fait attention en dehors. Ils doivent s’y résoudre, quelque chose s’est cassé entre eux et ils ne savent pas comment poursuivre leur vie sereinement avec Ursula dans les parages.
Pourquoi a-t-elle mordu ?
En réalité, si Ursula diminue bien son rythme depuis quelques temps, c’est en raison d’une arthrose latente. Souvent, elle ne s’en plaint pas et adapte ses foulées, mais ce jour-là, la main sur son dos au moment du changement de côté l’a fait souffrir et elle a réagit par réflexe pour faire cesser la douleur au plus vite. On ne peut pas lui en vouloir évidemment, de la même manière que nous aurions le réflexe de repousser quelqu’un qui nous fait mal, Ursula a repoussé, comme elle le pouvait, son humaine. Et elle a même fait preuve de tact ! Bien sûr, la morsure d’un chien de ce gabarit peut faire très mal et d’autant plus au visage. On comprend donc bien le stress subi par son humaine. Mais ce n’est pas le hasard si Ursula a fait claquer ses dents à quelques centimètres de sa cible et non pas sur elle, c’est même parfaitement contrôlé. Elle a émis un signal fort – il fallait stopper immédiatement cette douleur – mais mesuré. Elle a choisi de ne pas toucher son humaine, elle a parfaitement contrôlé s’il y aurait impact ou non avec la peau.
Comment vivre ensemble ensuite ?
Evidemment, ce genre d’évènement peut être traumatisant mais dans ce cas précis, il est à relativiser : Ursula a montré qu’elle est tout à fait équilibrée, qu’elle est capable d’agir de manière proportionnée et qu’elle évite d’elle-même d’avoir à mordre réellement. Il sera simplement nécessaire à l’avenir de prendre en compte ses douleurs et d’éviter des manipulations qui pourraient les réveiller.
Ses humains sont rassurés, Ursula n’a pas changé, la vieillesse apporte certains désagréments pour elle et il faut en tenir compte. La vie peut prendre son cours sereinement.
Moralité : Un chien qui a « failli » mordre n’a donc pas mordu et a priori, c’est plutôt bon signe.
Colette CUENOT
Colette Cuenot, éducateur comportementaliste canin et félin, nous livre ses réflexions sur le comportement canin dans le journal Les Dernières Nouvelles d’Alsace. Cet article est paru dans l’édition du 07/07/2024.
