Chronique sur le livre « le théorème du Vaquita » de Hugo Clément
L’état des lieux de notre planète est connu. Les pollutions que nous engendrons depuis à peine 2 siècles, et de façon exponentielle sur l’échelle de l’humanité, bouleversent tous les équilibres et mènent à notre autodestruction. Leurs symptômes nous touchent tous désormais : montée du niveau de la mer, augmentation de la fréquence et de l’intensité des phénomènes climatiques, épidémies, contaminations de l’air, de l’eau, des sols… Nous détruisons notre environnement et nous empoisonnons petit à petit.
Et nous entrainons les autres espèces vivantes du règne animal et végétal dans notre chaos.
Les animaux, victimes collatérales de nos dégradations environnementales
Journaliste engagé dans la défense de l’environnement, Hugo Clément prend l’angle de l’exploitation animale pour montrer à la fois l’absurdité de certains de nos comportements, et l’espoir d’un renouveau pour sauvegarder la vie sur Terre.
« Le théorème du vaquita », c’est le constat de l’égarement des activités humaines, qui créent de la maltraitance animale et des « morts pour rien », si ce n’est pour le plaisir ou/et l’avarice de quelques-uns :
- 40% des poissons pêchés, tel le vaquita, ne correspondant pas aux critères autorisés, seraient pris dans les filets et tués « involontairement »,
- 1,1 milliard d’animaux terrestres et 100 millions d’animaux aquatiques sont tués chaque année en France pour notre consommation,
- 85% de ces animaux sont « élevés » exclusivement en captivés,
- la grande majorité des 22 millions d’animaux tués par les chasseurs annuellement en France est issue d’élevages.
Des lois existent pourtant pour s’opposer à ces pratiques : « tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce » (article L214-1 du CRPM) ; « les méthodes d’élevage naturelles ou artificielles qui causent ou sont susceptibles de causer des souffrances ou des dommages aux animaux concernés ne doivent pas être pratiquées » (convention européenne du 20/07/1998 annexe, point 20 concernant la protection des animaux domestiques dans les élevages). Mais notre modèle économique (et de loisir pour les chasseurs) défend ses acquis et ses pouvoirs, retardant la sauvegarde du bien-être animal, et se faisant, la régénération de l’environnement… et l’espoir d’une vie meilleure pour nos descendants.
L’élevage est responsable de 14,5% des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial, participe à la déforestation, à la pollution des eaux et des sols, à la disparition des insectes, des oiseaux et de la faune sauvage, consomme plus de 3 fois plus de surface agricole que l’agriculture. Hugo Clément propose de mettre cette donnée scientifique en perspective avec le fait que nous sommes le seul omnivore à devoir cuire et assaisonner la chair des animaux pour la consommer… sans doute, tout simplement, parce que viande et poisson ne sont pas indispensables à notre alimentation.
Puisque nous sommes si attachés à nos animaux domestiques, ne devrions-nous pas prendre en considération le sort des autres animaux, ceux qui nous nourrissent, comme ceux qui nous chassons pour le plaisir de tuer ?
Améliorer la vie animale, c’est bon pour l’environnement
Quand on pousse la porte du fond de la cuisine, notre lieu de vie se transforme en une maison des horreurs, dans laquelle sont perpétrés des actes de cruauté sur les animaux, provoqués par notre mode de consommation, par notre recherche du profit et de la jouissance dans des loisirs tels que la chasse et la tauromachie. Ainsi, les 146 premières pages de son livre montrent une situation catastrophique, tout juste contrecarrée par quelques actions éparses d’individus, d’associations ou de collectivités. Pour Hugo Clément, il est possible de débarrasser cette maison, notre habitation, de ses murs pourris et de réparer ses fondations malmenées. Dans les quelques 10 dernières pages de son récit, il rappelle que chaque action opérée indépendamment à divers coins du globe apporte sa pierre à l’édifice, et que chacun peut contribuer, à sa vitesse et selon ses moyens, à remettre d’aplomb notre bien commun.
Il y a un cercle vertueux, caché derrière les vieilles tapisseries et les anciens placards, qu’il nous est possible d’activer. Que notre motivation soit fondée sur la bientraitance animale, sur la prise en compte de notre bilan carbone, sur l’enrichissement paysager des territoires ou sur l’anti-gaspillage, chaque intervention participe à améliorer le sort de tous, par la préservation de notre écosystème.
Nombreux sont les auteurs à se pencher sur l’avenir du Monde, d’un point de vue écologique (Hulot), agronomique (Rabhi), énergétique (Vargas), comme animalier (Espinosa, Dombreval). Cumulant l’illustration et l’explication, le mode du roman graphique n’édulcore pas les atrocités commises, mais rend accessible des informations potentiellement complexes en laissant le soin au lecteur d’aller à son rythme. Jancovici, Harari, Squarzoni, Montaigne… expriment de même des thèmes connexes selon ce support, de façon tout aussi efficace. Aidé de Vincent Ravalec pour le scénario et de Dominique Mermoux avec ses dessins à l’encre, cet ouvrage offre une vue synthétique pertinente des implications de nos activités économiques, industrielles et consommatoires traditionnelles sur les animaux. Nous sommes en pleine « guerre mondiale » dit Hugo Clément, braver notre confort et nos habitudes pour réparer et reconstruire est impératif. Il est temps de passer à l’action.