Jessica Christ, comportementaliste canin et félin, nous livre ses réflexions sur le comportement félin
dans le journal Les Dernières Nouvelles d’Alsace.
Voici l’article paru dans l’édition du 11 décembre 2022.
Blue est une femelle Ragdoll de 6 mois. Elle habite dans un appartement à Mutzig avec Stéphanie, une jeune femme active ayant toujours partagé sa vie avec des chats.
Il y a deux mois, Stéphanie adoptait via une association recueillant des chats cette petite boule de poils de 4 mois. Elle sait comment fonctionnent les chats dans l’ensemble, elle est loin d’être une novice en la matière. Pourtant, avec Blue, tout bascule. La minuscule peluche se rend invisible le plus clair du temps. Entre son refuge sous le canapé ou celui dégoté derrière une plinthe de meuble de cuisine, la chatte est plus que discrète.
Stéphanie commence à s’inquiéter de l’absence de sa petite protégée et démarre quelques rituels pour sympathiser avec la trouillarde. Le soir, la lumière furtive d’un laser traverse les carreaux du sol de la cuisine à vive allure. Interpellée, la jeune minette sort de sa cachète pour jouer quelques minutes. Le matin, c’est la douce odeur d’une friandise qui fait sortir un petit museau curieux de son terrier. Mais alors, la petite souris peureuse va-t-elle se transformer en chat ?
Rien n’est moins sûr. Si ce petit rituel est dorénavant bien établi, impossible de faire un pas de plus. La jeune femme désespère d’obtenir un beau jour la confiance de Blue.
Avant de tisser des attentes, il faudra comprendre que dans ce cas là, les premiers mois de notre petite protégée ayant été coupés de toute familiarisation à l’humain auront un impact plus que significatif quant aux résultats que l’on pourra espérer. Le sevrage du chaton et l’environnement dans lequel il évolue aux premiers instants de sa vie féline vont ériger certaines barrières. Dans ce cas, nous pouvons nous attendre à une certaine résilience si nous jouons nos cartes finement.
Cela va impliquer de ne pas créer plus de conditionnements négatifs que ceux qui ont déjà pu exister pendant son transit d’adoption. Nous allons aussi, probablement, devoir nous contenter de résultats sympathiques envers Stéphanie et non envers tout le genre humain. Evidement, chaque individu est différent et capable d’une élasticité comportementale plus ou moins importante.
Le jeu à présent sera bel et bien de continuer les renforcements positifs à l’humain de toutes les manières possibles, de façon créative mais passive. J’insiste une seconde sur le terme « passif » car chaque acte envers Blue comme une caresse par exemple, même de très bonne intention, peut être perçue comme une atteinte à son espace personnel ou pire, comme une agression. Mettons-nous à la place de ce félin, pour lequel nous sommes de grandes créatures inconnues décidant du lieu clos dans lequel il doit vivre. Nous enlevons les échappatoires. Ce n’est pas un très bon point pour nous si on ne connait rien de plus. Les propositions de jeu ou de friandises doivent être variées. Voir le chat visiter le logement devant nous représente un premier excellent point, par exemple. Ne cherchons pas à obtenir un contact physique, cet espoir doit être rompu d’emblée. Si un jour, Blue se laisse caresser, ce sera une bonne surprise mais cela ne doit pas être une attente. Le but est de rester réaliste afin d’éviter les déceptions, les frustrations.
A force de découvertes, de friandises au sol un peu partout, du petit laser qui va vers le couloir puis le salon… A force de toutes ces choses et une bonne dose de patience, Blue aura apaisé son stress et appréciera son environnement car elle ne se sera jamais sentie forcée, brusquée ou acculée. Nous n’aurons pas trouvé la clé du mystère, mais nous nous en sommes approchés. Beau dimanche à tous les chamoureux !
Jessica Christ