Poursuivre sa vie lorsqu’on a perdu un compagnon qui partageait notre quotidien semble toujours une équation délicate, et quand on a le sentiment que notre peine est illégitime parce que la société humaine ne la prend que peu en compte, c’est d’autant plus lourd à porter. Et les animaux qui perdent un de leur compagnon de vie, comment le ressentent-ils ?
Gérer le deuil à l’échelle humaine
Le processus de deuil, qu’il concerne un animal ou un humain (c’est à dire aussi un animal !), suit le même processus. C’est surtout la proximité qu’on avait avec la personne disparue qui influencent la peine ressentie, pas son espèce. Alors bien sûr, avec un autre humain, on partage potentiellement plus de temps (on ne fera malheureusement pas 40 ans de vie commune avec un chat ou un chien…) et on aurait avec cet humain des discussions qu’on ne pourra pas avoir avec un animal. Mais avec un chien ou un chat qui dépendait exclusivement de nous et dont on s’occupait de façon quotidienne et de manière très rapprochée, le lien reste très fort. L’impact de sa disparition est important et le manque se ressent dans chaque geste du quotidien où son regard n’est plus porté sur nous et où le son de ses pattes ne résonne plus à travers la maison. Alors, les remarques qu’on entend souvent minimisant l’évènement et laissant penser qu’une vie de chien ou de chat ne vaut pas cette peine sont d’un autre temps et ne peuvent atténuer la douleur de personne, au contraire. Prétendre que ce n’est “qu’un animal” laisse surtout penser que la personne qui vous renvoie ce message nie notre douleur et ne veut pas en entendre parler… La place des animaux évolue dans notre société mais se voir accordé des jours de congé pour le décès de son animal est encore loin d’être à l’ordre du jour.
Que ressentent les animaux ?
Les autres animaux n’ont évidemment pas la même vision que les humains de la mort. Ils n’ont probablement pas autant de projections, d’interprétations, de craintes que nous. Ils ont une approche généralement plus “terre à terre”. Ils ressentent la peine des humains, ils constatent l’absence d’un compagnon qui était habituellement là. Leurs repères, leurs habitudes, le climat dans lequel ils évoluent change assez brutalement et, selon la relation qu’ils entretenaient avec l’animal disparu, ils ont peut-être aussi perdu un compagnon de jeu ou de sieste… Remplacer l’animal disparu rapidement par un autre, dans l’idée d’apaiser plus vite les autres animaux, n’est pas nécessairement une bonne idée : tout d’abord aucun animal ne remplace un autre ! Ils sont différents en caractère, en vécu, en odeurs, en habitudes de vie… Donc une nouvelle adoption précipitée ne fera qu’amplifier l’aspect “changement d’habitudes”. Et quel poids sur leurs épaules que de devoir endosser tant d’attentes quant à leur venue ! Dans le meilleur des cas, le courant passe bien avec les animaux déjà présents mais il faut aussi avoir à l’esprit que ça peut tourner au vinaigre, soit par incompatibilité de caractères, soit parce que la période n’est pas propice pour les autres animaux à accepter un changement de plus.
A la place, pour apaiser le stress probable qu’ils ressentent avec la perte d’un proche, installer une nouvelle routine avec vous, leur consacrer plus de temps pour jouer, pour sortir, pour faire des câlins s’ils les apprécient, ne peut que leur apporter du mieux-être et les aider (et nous aider) à passer cette période délicate.
Peut-on les préparer ?
Se “préparer” soi-même est déjà très ambitieux et tant qu’on n’est pas dans la situation donnée, ce n’est pas vraiment possible de “se préparer”. On peut par contre, pour nous comme pour les autres animaux, tenter de préparer le terrain pour limiter un petit peu les conséquences de la mort de l’un d’entre eux. Mettre en place une routine agréable pour ceux qui resteront et prendre l’habitude de passer du temps en solo avec eux, cela permettra que le jour venu, faire une balade ou d’une partie de jeu en tête à tête ressemble à une activité “normale”, déjà connue et qui renforce les liens entre ceux qui resteront.
Colette CUENOT
Colette Cuenot, éducateur comportementaliste canin et félin, nous livre ses réflexions sur le comportement canin dans le journal Les Dernières Nouvelles d’Alsace. Cet article est paru dans l’édition du 26/11/2023.