Le saviez-vous ? Il existe deux sevrages chez le chiot. Nous avons tous tendance à connaitre le sevrage alimentaire. Il en existe pourtant un autre qui est malheureusement rarement pris en compte, en particulier lors de l’adoption, et qui peut avoir des conséquences assez importantes sur la vie adulte du chien.
Commençons par rappeler ce qu’est le sevrage alimentaire. Ce terme définit le moment lors duquel le chiot passe d’une alimentation liquide, le lait maternel, à une alimentation solide. Vers la moitié de la quatrième semaine, le chiot commence à manifester un comportement alimentaire d’adulte tout en continuant de téter régulièrement sa mère.
Certains chiots se mettent à solliciter les régurgitations maternelles d’aliments prédigérés. Cela se manifeste par des mordillements ou léchages de la commissure des lèvres de la bouche maternelle.
La mère devient, de son coté, moins empressée à initier les tétées de ses petits. Elle prend alors l’habitude de diminuer le temps de tétée et son temps de présence.
Vers cinq semaines, la tétée devient désagréable pour la mère car il y a éruption des dents de lait des chiots. La mère va alors repousser ses petits de manière plus ou moins agressive.
L’âge du sevrage alimentaire dépend des conditions d’élevage, du caractère de la mère et de chacun des chiots mais il sera en général définitif entre six/sept semaines et dix semaines.
Le deuxième sevrage est le sevrage affectif, plus communément appelé le détachement. Il coïncide avec l’éruption des dents lactéales. Comme vu plus haut, la tétée devenant douloureuse, la mère va repousser progressivement ses petits et enclencher le processus de détachement. On peut observer le rejet des chiots ensuite au moment des jeux et des interactions affectives. Par la suite, le phénomène s’amplifie et s’étend à d’autres contextes de vie. Cette prise de distance s’étend progressivement à toutes les situations et la mère finit par refuser tout contact avec ses petits qui ne soit pas initié selon les codes sociaux de l’espèce. Le détachement a lieu plus précocement pour les mâles que pour les femelles. Il est effectif entre quatre et six mois d’âge chez les mâles. Chez les femelles, il s’opère plutôt aux deuxièmes chaleurs. Ce sevrage affectif est un processus naturel et progressif.
Pourtant, l’adoption d’un chiot par une famille humaine est légale à partir deux mois. Le sevrage affectif est à peine commencé. On peut se douter assez rapidement des conséquences que peut avoir une séparation brutale et trop précoce de la mère, de sa fratrie et de son lieu de vie. Cela peut être un réel traumatisme. Le chiot, arrivé dans sa nouvelle famille, peut essayer de renouer rapidement un lien d’attachement primaire déséquilibré, qui pourrait être trop fort, menant ensuite à des difficultés à se séparer de cet être d’attachement. Cette séparation peut mener à une réelle détresse chez le chien produisant ainsi des comportements gênants tels que les destructions, les aboiements et les éliminations à l’intérieur.
Il existe parfois un gouffre entre la loi et la réalité éthologique des animaux. Heureusement, on trouve de plus en plus d’élevage proposant les chiots à l’adoption à partir de 3 mois.
Dr Pauline SALVIN
Docteure en éthologie et formatrice