Par Brunilde Ract-Madoux, éthologue et consultante en comportement
Aménager son espace de vie pour répondre aux besoins du chat 1/ 4
De nombreux chats vivent en contact rapproché avec l’homme. Une cohabitation voulue mais qui devient subie si elle n’est pas faite dans les règles, dans le respect des besoins du chat. Le chat organise son domaine vital autour de zones essentielles à ses besoins. Les besoins vitaux comme l’eau et la nourriture sont indispensables à la survie, mais aussi d’autres besoins rendent la vie possible : sécurité, protection, bonne santé, absence de douleur ou de souffrance sont indispensables à l’équilibre physique et mental de l’animal.
Cette organisation comprend 3 zones essentielles sans limites précises et reliées par d’autres zones non moins indispensables pour permettre au petit félin d’exprimer des comportements propres à son espèce. Au sein de son domaine vital, il aime circuler librement. Il a tendance à régulièrement marquer ses passages par des griffades et des frottements corporels. Ces marques olfactives et visuelles le rassurent en lui rappelant sa venue récente. Tout obstacle ou nouveauté sur son parcours quotidien sera examiné et flairé, le chat y déposera ses odeurs pour se sentir en sécurité.
Les scientifiques s’intéressant au comportement du chat mettent en avant l’importance de répondre aux besoins de l’animal pour augmenter son bien-être. Connaitre et comprendre le comportement, observer son chat et aménager son espace de vie sont les clés pour une cohabitation harmonieuse.
Manger, dormir, éliminer, observer… A chaque activité de notre chat correspond un espace, plus ou moins grand, plus ou moins délimité, morcelé et fréquenté.
Si le chat est une fine gueule en ce qui concerne le choix de son alimentation, il est encore plus sourcilleux sur la qualité de l’endroit où il mange. C’est d’abord le calme qui sera le premier critère pour trouver l’emplacement de sa gamelle. Pour vous, l’idéal est dans la cuisine, là où vous préparez le repas, mais si cela signifie pour votre matou d’être au milieu du passage, coincé entre la cuisinière et la poubelle, sa prise alimentaire virera vite au cauchemar pour lui. Repérez l’endroit le plus calme. Si cela ne peut pas être la cuisine, optez pour une autre pièce où il pourra se nourrir tranquillement, en observant son environnement. Evitez qu’il soit dos à un passage, il sursautera dès que vous passerez derrière lui ! Si son compagnon canin adore participer aux moments des repas, mettez tout en hauteur, le petit félin se sentira plus à l’aise pour déguster lentement ses croquettes.
L’espace dédié à l’alimentation comprend une gamelle ou un distributeur en libre-service et un bol d’eau (ou une fontaine). Avec une gamelle pas trop haute, vous permettrez à votre chat curieux de nature de pouvoir observer et surveiller ce qui se passe autour de lui tout en mangeant. Certains chats apprécient de boire l’eau à distance de leurs croquettes ou pâtée. C’est pourquoi répartir plusieurs bols d’eau dans la maison permettra à ce dernier d’avoir facilement accès au précieux liquide. Les bols seront de préférence en verre ou en porcelaine, pas trop profonds et assez larges pour que les vibrisses ne touchent pas les bords. Evitez de changer trop fréquemment les bols d’emplacement, le chat a besoin de repères.
Lorsque le chat est dans sa litière, tout occupé à faire ses besoins, il se sent très vulnérable. C’est pourquoi il faut choisir là aussi un endroit calme, discret, sans passages inopinés, mais facilement accessible. Le choix du type de bac et du substrat se fait selon les possibilités du propriétaire mais aussi selon les goûts du chat (texture, odeur). Celui-ci peut aimer scruter l’environnement, ce qui le rassure. Un bac ouvert sera donc conseillé. Si notre nez préfère une litière parfumée, ce n’est souvent pas le cas de celui du chat qui peut être incommodé par les fortes odeurs de substrat. Bonnie Beaver, professeur à l’université vétérinaire du Texas explique que la cause la plus courante d’une mauvaise utilisation de la litière est le bac lui-même (fermé, avec une porte, avec une litière inadaptée) ou alors sa mauvaise localisation. En cas de malpropreté sans raison médicale, on commencera par changer la localisation de la zone d’élimination. Ensuite, il faudra veiller à entretenir scrupuleusement le bac car le chat n’aime pas les toilettes souillées ! On préféra nettoyer à l’eau bouillante plutôt que d’utiliser des détergents très parfumés et agressifs car notre matou tient à reconnaître son petit coin par des odeurs, heureusement perceptibles que par lui-même. C’est pour cela qu’il ne faut pas non plus nettoyer trop souvent, le chat se sent rassuré par ses odeurs familières.
Pour se reposer, le chat n’est pas exclusif ! Le critère pour qu’il dorme, c’est le confort. Et dans nos intérieurs douillets, ils sont multiples. Moelleux, chaleur, soleil, silence… sont autant de bonnes raisons pour lui de s’y poser. Selon l’heure de la journée, le chat optera pour un endroit ou un autre. L’hiver, un lieu baigné de soleil l’attirera comme un aimant, parfois ce sera le besoin de compagnie et de quelques caresses pour plonger dans les bras de Morphée, un autre moment, le fond du lit comblera son besoin de solitude ou de chaleur… Vous pouvez bien sûr lui dédier un couchage, un panier bien confortable, qui peut avoir sa préférence… ou pas ! En la matière, lui seul est maître de la décision. Même si vous lui interdisez l’accès à votre lit, il profitera de la moindre occasion pour se glisser dans la porte entrebâillée. L’important est qu’il ait au moins un endroit où il pourra se reposer à l’abri des dangers potentiels : enfant débordant d’énergie, chien trop affectueux, autre chat avec qui il ne s’entend pas…
Agile, grimpeur, votre matou ne se contente pas des coins disponibles au niveau du sol. Un haut de commode, un tiroir ouvert, un dessus d’armoire… L’espace se vit en trois dimensions chez le chat. D’ailleurs, de plus en plus de maîtres équipent leur intérieur de mobilier design du sol au plafond : étagères, escaliers, ponts suspendus et autres poteaux d’intérieur permettent au chat d’explorer son territoire à tous les étages et au propriétaire d’exploiter la hauteur d’un intérieur afin d’optimiser les mètres carrés, si rares dans les centres urbains. Des entreprises se sont spécialisées dans l’équipement des appartements, cliniques vétérinaires et même des refuges. L’idée est d’adapter l’aménagement 3D selon les besoins du chat, les goûts du propriétaire, et selon le type de foyer (configuration et taille de l’appartement, faire en fonction de l’aménagement existant) en réalisant souvent du sur-mesure.
Les indispensables aires d’activités
Avoir un chat en appartement, sans accès à l’extérieur, ou avec un accès restreint, suppose de réserver à son matou des lieux et objets spécifiquement dédiés à ses activités, même si ce dernier endosse volontiers la réputation de gros dormeur.
La première d’entre elles sera de griffer : pour s’étirer, affûter ses griffes, déposer ses odeurs ou encore se défouler. Il faut donc prévoir plusieurs griffoirs répartis dans les lieux de passages ou près des postes d’observation si on ne veut pas qu’il se les trouve lui-même (votre tout nouveau papier peint, par exemple !). Qu’il soit en sisal, en carton ou en bois, orienté verticalement ou horizontalement, quel que soit le type, le griffoir doit être bien stable, robuste et surtout non bruyant.
Explorer est aussi indispensable à ce curieux. Même s’il connaît bien « sa » maison. Il découvre (ou re-découvre) son lieu de vie, se familiarise avec celui-ci, surveille, observe, flaire, se frotte pour s’imprégner d’odeurs et en déposer en retour. Ne changez pas la disposition des meubles en permanence, le chat se rassure grâce à ses repères olfactifs. Les postes d’observation sont des lieux qui lui permettent de scruter l’environnement mais aussi de se sentir en sécurité en étant en hauteur. Un arbre à chats, une étagère, une armoire, tout meuble accessible fera l’affaire. L’idéal est un poste devant une fenêtre, un balcon protégé. Les cachettes en hauteur sont indispensables comme zone de repli rapide si le chat se sent en danger par exemple lors d’arrivée d’amis s’il est farouche. Si vous pouvez interdire l’accès à certaines pièces (une chambre de bébé), il faut lui en laisser au moins deux avec des portes ouvertes !
Pour le reste, laissez à sa disposition dans toute la maison souris, balles et autres objets pour stimuler son envie de jouer. Etre à l’affut, courir, bondir, rouler, attraper une balle sont les comportements de jeu. Cette activité, assimilée à la prédation, est indispensable à l’équilibre physique et mental du chat. En général, 3 séances de 10 à 15 minutes d’activité par jour sont nécessaires. Il peut jouer seul, avec un congénère ou avec un humain. Dans ce cas-là, le plus souvent il réagira positivement si c’est lui qui initie la séquence de jeu. Cela renforce aussi le lien avec son propriétaire ! Soyez à l’écoute de votre chat et observez bien ses réactions.
Par Brunilde Ract-Madoux, éthologue et consultante en comportement