Avez-vous déjà entendu parler de l’Umwelt ?
C’est le naturaliste et biologiste allemand Jacob von Uexküll qui a développé ce concept au début du 20ème siècle. Il propose que chaque individu partage avec son milieu des relations qui lui sont propres. Il encourage à voir l’animal « comme point de référence zéro pour comprendre l’organisation de son monde par lui-même. En ce sens, l’animal est un sujet qui produit un monde, suivant un plan d’organisation qui est le sien » (Bruce Bégout, philosophe).
Des perceptions différentes
Chaque individu possède une subjectivité, des capacités sensorielles et motrices qui lui sont propres. Ainsi, dans un même environnement, les êtres vivants partageraient des expériences et des interprétations différentes.
Par là, Jacob von Uexküll propose une nouvelle vision du vivant plutôt révolutionnaire, car, avant lui, l’environnement était souvent décrit comme une unicité de temps et d’espace, perçu par tous de la même manière, à travers l’œil humain. Pour illustrer ses propos, il prend d’ailleurs un exemple d’un animal très différent de nous : la tique. Il met en évidence sa vision totalement différente du monde qui l’entoure, basée sur 3 principaux stimuli : l’odeur de l’acide butyrique, la température et un stimulus tactile. Ces stimuli seront pour elle porteurs de sens et la feront agir en conséquence.
Ce concept d’Umwelt prend tout son sens lorsque l’on vit et/ou travaille au côté d’autres êtres vivants. Il nous rappelle que nous ne serons jamais dans leur tête et ainsi ne comprendrons jamais totalement ce qu’ils ressentent. Nous ne pouvons qu’émettre des hypothèses basées sur leur comportement. Dans cette continuité, ce concept nous fait également comprendre qu’un comportement est toujours légitime et a toujours une cause. En cela, il est important de le comprendre et de le respecter. Un élément dans l’environnement nous paraitra peut-être banal mais sera terrifiant pour notre chat.
La cohabitation entre l’humain et l’animal
Nos animaux domestiques vivent dans un monde d’humain mais n’ont pas la même vision que nous de ce monde. Par exemple, ils ne connaissent pas les règles qui régissent notre société. Ils n’ont pas non plus le même rapport aux choses qui nous entourent. Ainsi, votre chien ne verra pas votre canapé comme tel mais plutôt comme un super élément géant à déchiqueter pour décharger son stress lorsqu’il est laissé seul. S’il fait pipi au milieu de votre salon, pour lui ce sera « propre » car il n’aura pas fait là où il dort, ni là où il mange. La viande laissée sur la table sera de la nourriture libre d’accès qu’il pourra manger. Les selles du chat seront de délicieuses friandises. La poubelle sera un merveilleux garde-manger plein d’odeurs agréables. La table à manger sera vue par votre chat comme une hauteur large et pratique sur laquelle il pourra s’étaler de tout son long. Le coin du canapé ou la chaise en osier seront des endroits idéalement placés, stables, assez hauts et solides pour faire ses griffes. La douche et votre lit sur lesquels il fait pipi pourront être perçus comme des litières ouvertes, géantes et confortables. L’aspirateur sera un monstre effrayant qui se déplace et fait beaucoup de bruit. Le pied de chaise en bois sera un bâton sympa à ronger pour votre lapin. Les livres de la bibliothèque seront des éléments agréables à déchiqueter pour votre perruche. Les produits ménagers et lessives auront une odeur très forte souvent dérangeantes pour nos animaux.
En conclusion, en tant qu’humain cohabitant avec d’autres espèces animales au quotidien et de manière parfois très rapprochée, il est indispensable d’avoir en tête que chacun a son monde propre et sa vision personnelle de ce qui l’entoure, de le prendre en compte et de s’y adapter autant que possible.
Dr Pauline SALVIN
Docteure en éthologie et formatrice