Il nous arrive parfois, dans notre quotidien partagé avec nos chiens, d’aller jusqu’à plaisanter avec eux, en leur parlant, en jouant ou en les taquinant. Et force est de constater que souvent, ils ont l’air complices dans ces moments-là, ce qui nous encourage à continuer. Mais ont-ils la même perception que nous de ces moments partagés ?
Une définition du jeu différente entre le chien et son humain
Polka aime jouer avec son humain, elle aussi a de l’humour pense Hubert : elle prend sa corde en gueule, s’approche de lui tout en sautillant et esquive les tentatives lentes et vaines de son humain à attraper son jouet. Effectivement, les chiens sont une espèce qu’on qualifie de « néoténique » : ils gardent des caractéristiques juvéniles même à l’âge adulte et la propension au jeu en fait partie. Par ailleurs, jouer permet de tisser des liens, de s’occuper, de se défouler…
Mais l’humour, pour nous humains, c’est aussi mener quelqu’un en bateau, le surprendre ou le malmener gentiment.
Hubert, qui n’est pas le dernier pour trouver de quoi égayer sa journée, a aussi pour habitude de montrer toute son affection à Polka en lui faisant des salutations musclées : parler un peu fort et une bonne tape amicale sur l’arrière-train, voilà comment se font les retrouvailles le matin au réveil ou en rentrant des courses.
L’humour est-il perçu favorablement par les chiens ?
Difficile de faire des généralités car chaque chien est différent mais aussi, chaque relation entre un humain et un chien est différente. Il est probable que Polka n’apprécierait guère ce genre de salutations de la part d’un inconnu qui viendrait sonner à la porte et se montrerait si familier au premier abord. Mais le contexte est important aussi à prendre en compte : est-ce que les relations entre Polka et Hubert sont parfaitement sereines en dehors de ce moment-là ? Existe-t-il des moments d’incompréhensions pour Polka ? Souvent, les humains sont persuadés que tout va bien et qu’ils sont parfaitement en phase avec leur chien, et du point de vue du chien, les choses sont un peu différentes. L’anthropomorphisme nous fait souvent penser que les chiens comprennent tout de notre façon de fonctionner, or ce n’est pas toujours le cas. Si parfois Hubert s’énerve et hausse le ton, voire même dispute Polka parce qu’elle a fait quelque chose qu’elle n’aurait pas dû, il est possible qu’elle ne distingue pas bien quand Hubert est fâché et quand il est juste taquin. L’autre possibilité aussi est que la ritualisation de ces salutations musclées, à des moments bien précis qu’elle peut anticiper, génère pour elle du stress si elle n’apprécie pas franchement les tapes viriles. Le risque serait que la situation s’envenime à force de répétitions et qu’elle doive se manifester – en grognant ou en montrant les crocs – pour faire comprendre le malaise… et, bien que légitime car c’est son seul moyen de se défendre, ce serait mal perçu.
Les risques liés à une incompréhension du chien
De la même manière, jouer à « faire peur » ou « surprendre » un chien en se cachant quelque part et en surgissant quand le chien arrive peut être perçu comme une agression. C’est avant tout très désagréable pour le chien qui, soyons clairs, ne peut pas comprendre ce type d’humour. Même entre humains, il faut bien choisir la personne et le contexte pour ne pas risquer des remontrances (avec belle-maman ou avec le chef au bureau par exemple… ). C’est d’autant plus dangereux qu’en cas de surprise ou de peur, un chien peut être amené à mordre sans prévenir au préalable…
D’ailleurs, profitons-en pour rappeler que le grogner ou montrer les crocs est simplement un moyen de manifester son malaise par rapport à une situation et les chiens font cela pour ne pas avoir à mordre. Donc c’est utile, nécessaire de le prendre en compte et adapter son comportement et surtout, ce ne doit jamais être réprimandé.
L’humour semble avant tout le propre de l’humain et même si nos chiens sont très proches de nous, rien ne prouve qu’ils comprennent ou apprécient certains de nos comportements humoristiques. Il est probablement plus sage de réfléchir à ce que les chiens produisent comme comportement entre eux (et donc sont capables de comprendre ou non) pour choisir nos activités avec eux : jouer à attraper un jouer, se le reprendre en faisant semblant de ne pas pouvoir tirer fort est un jeu adapté pour la majorité des chiens (mais pas tous !) ; mais interagir de manière décalée par rapport à d’habitude, ou surprendre un chien, est plutôt de nature à semer le trouble dans les relations… aux antipodes de l’intention d’origine.
Colette CUENOT
Colette Cuenot, éducateur comportementaliste canin et félin, nous livre ses réflexions sur le comportement canin dans le journal Les Dernières Nouvelles d’Alsace. Cet article est paru dans l’édition du 14/04/2024.
