La langue française regorge d’expressions évoquant les chiens… mais bien souvent leur sort n’est pas évoqué de manière glorieuse : une vie de chien, un mal de chien, un air de chien battu, un temps de chien… « Chien » ou « chienne » peuvent d’ailleurs à eux même être des insultes à eux seuls selon le ton employé. Est-ce que ce mot a toujours un sens si négatif ?
Une connotation peu glorieuse
L’origine de ces expressions est probablement très ancienne et reflète en partie la condition des chiens à cette époque. Même si de nos jours, l’attention portée au bien-être des chiens est heureusement grandissante, l’utilisation de ces expressions contribuent, inconsciemment, à minimiser la prise en compte de ce que vivent les chiens. L’empathie diminue avec le changement d’espèce, de famille, d’ordre… c’est ainsi d’ailleurs que nous sommes capables de nous nourrir d’autres espèces, mais pas de la nôtre !
Une espèce pourtant si proche des humains
A la fois ces expressions sont bien ancrées dans le langage commun, à tel point que nous ne nous rendons même plus compte de leur sens premier ; et à la fois, pour ceux qui partagent leur vie avec l’un de ces canidés, il s’impose souvent comme le centre de notre monde. Il fait partie intégrante de la famille, il s’agit d’une vie qui n’a pas choisi d’être là et qui dépend intégralement de nous : pour la nourriture, l’abri, le contact, les soins, les sorties… Souvent, ils sont si addictifs qu’en accueillir un ne suffit pas et que la tentation d‘un deuxième, voire plus, n’est jamais bien loin. Et enfin bien sûr, il peut être difficile de se passer de leur présence quand on a eu l’habitude de les avoir à nos côtés. Parfois d’ailleurs, c’est une bonne chose et signe d’un grand esprit de responsabilité car les contraintes changent au cours d’une vie et le contexte n’est pas toujours propice.
L’option de l’alternative
Certains amoureux des chiens évitent soigneusement le mot « chien » qui peut porter parfois ce caractère presque vulgaire. Tel un Roi dont on ne dira pas qu’il est un humain parce que ce serait le réduire à une condition moindre, le mot « chien » est systématiquement banni de certains foyers pour être remplacé par son nom, ou par un autre terme plus chaleureux mais souvent un peu niais.
L’appellation chien revêt ainsi toutes sortes de significations. En un seul mot, on peut entendre le dédain, l’appellation neutre – presque scientifique – dénuée d’émotion, ou le mot qui porte la signification d’un compagnon de chaque instant qui partage presque tout avec vous et qui laisse un vide incommensurable quand il vous quitte. Pour ne pas céder le mot « chien » à sa condition d’animal parfois méprisé, choisissons de continuer à célébrer le chien et de donner à ce mot la dimension qu’il doit avoir : celui d’êtres qui sont d’exceptionnels compagnons de vie et de travail, capables d’empathie, d’intelligence et d’une adaptation sans pareille.
Colette CUENOT
Colette Cuenot, éducateur comportementaliste canin et félin, nous livre ses réflexions sur le comportement canin dans le journal Les Dernières Nouvelles d’Alsace. Cet article est paru dans l’édition du 17/03/2024.