Chronique sur le livre “comment sauver les animaux ? une économie de la condition animale” de Romain Espinosa
Pour obtenir une vision précise de la condition animale, en particulier en France, pour comprendre toutes les théories scientifiques qui décrivent nos comportements, ressentis, motivations au changement, intérêt porté aux animaux, et pour matérialiser notre implication au bien-être animal en tant que citoyen ou entreprise dans la société française, le livre de Romain Espinosa, économiste au CNRS, est plus qu’utile, indispensable !
Selon lui, l’un des rôles des économistes est d’améliorer le « taux de bonheur » de la population en analysant et théorisant aussi bien sur le volet économique que comportemental et psychologique. Les sciences humaines sont de plus en plus impliquées et imbriquées dans les recherches des économistes, car le bonheur est difficile à mesurer par des chiffres.
Le bonheur des humains vs le bonheur des animaux ?
La première partie de son livre évoque au travers de toute la panoplie des théories disponibles pourquoi, “altruistes impurs”, nous trouvons à la fois une utilité à prendre soin de certains animaux, tout en acceptant d’en « faire souffrir » d’autres.
Bien que nous soyons attentifs à la maltraitance occasionnée par l’abandon des animaux domestiques, nous méconnaissons, volontairement ou non, celle qui se déroule dans les élevages intensifs ou dans les abattoirs. Nous nous dédouanons en partie de ce dont nous ne sommes pas témoins en faisant des dons, en prenant soin de notre propre animal.
Romain Espinosa rappelle que la norme sociale est de manger de la viande, ce qui implique nécessairement une souffrance animale.
L’autre moitié du livre est dédiée aux moyens de changer les mentalités pour « idéalement » largement diminuer la consommation de viande et améliorer les conditions d’élevage, de chasse, etc. Parce qu’il a déterminé que le bien-être animal constitue une « source considérable du bien-être social », Romain Espinosa nous encourage dans cette voie.
Le paradoxe de l’exploitation animale
Un point apparaît particulièrement intéressant à retenir concernant ce livre, c’est le paradoxe de nos dispositions à l’égard des animaux.
S’il est acté que le bien-être animal participe au bonheur des humains, alors nous devrions prendre soin des animaux pour nous accorder une vie meilleure. Pourtant, bien que nous fassions beaucoup d’efforts pour procurer du bonheur à nos animaux de compagnie, nous sommes disposés à en faire souffrir d’autres : l’élevage représente en France 1 milliard d’animaux exploités et tués chaque année, 80 millions d’animaux sont tués tous les ans par les chasseurs français (dont ¼ sont élevés uniquement pour ce loisir), la recherche et ses expérimentations impliquent près de 2 millions d’animaux par an en France…
Le poids des lobbys de la viande, de l’agroalimentaire et de la chasse reste très fort et influence, au regard de Romain Espinosa, négativement les politiques, puisque les communications officielles encouragent toujours à manger beaucoup plus de viande que les scientifiques ne le préconisent, ou encore que 64 espèces sont autorisées à être chassées en France alors qu’une vingtaine d’entre elles sont classées en danger d’extinction, et que nos voisins européens se contentent de 4 à 5 espèces autorisées.
Animés par le bien-être de nos animaux de compagnie, nous oublions que notre Terre est aujourd’hui peuplée de 25 fois plus d’animaux captifs destinés à notre consommation, au loisir de la chasse ou à l’expérimentation animale… que d’animaux sauvages. Ces milliards d’êtres sentients devraient avoir accès à notre humanité, pour notre bonheur à tous.
Dans ce livre, économie, bien-être social et éthique se rejoignent, nous encourageant à modifier nos comportements.