Après son adoption par l’Assemblée Nationale le 16 janvier, le projet de loi PPL577 « visant à interdire la maltraitance sur les chiens et les chats par l’utilisation de colliers étrangleurs et électriques » sera bientôt présenté aux Sénateurs.
Mercredi 15 mars, Nicolas Sergent, directeur de Vox Animae, s’est entretenu avec la députée Corinne Vignon, Présidente du groupe d’études « condition et bien-être des animaux », dans le but d’apporter le soutien de Vox Animae au projet de loi, mais aussi d’évoquer plus largement les méthodes dites « positives », la relation entre les humains et leurs animaux domestiques, et la profession d’éducateur canin.
Plutôt que de bloquer un comportement, il faut comprendre pourquoi il se produit !
L’utilisation de colliers étrangleurs, à pointes ou électriques est condamnée par la science du comportement et la médecine vétérinaire depuis de nombreuses années : la souffrance physique et psychique occasionnée sur les animaux est terrible, et incomparable à l’efficacité espérée par ses partisans. Ces outils coercifs, employés pour gêner ou bloquer un comportement jugé inapproprié des animaux domestiques, perdurent au prétexte que l’animal doit se soumettre à la volonté de son propriétaire, que ce soit chez les particuliers quand le chien aboie ou tire en laisse, pendant les séquences de travail, à la chasse ou en exposition, dans les clubs canins par des moniteurs bénévoles ou des éducateurs professionnels… Ces accessoires (y compris les colliers à spray et à citronnelle pour lesquels le principe de précaution devrait s’appliquer) ne sont que le sommet de l’iceberg d’une mentalité très ancrée sur la relation à l’animal. Soutenant ce projet de loi, Vox Animae a la volonté de faire comprendre au plus grand nombre que la violence et la douleur sont contreproductifs pour vivre une relation sereine et respectueuse avec son animal domestique.
Nicolas Sergent : « on est encore dans l’idée que le chien est un outil, ou qu’on l’achète comme un objet, et donc qu’il suffit d’une télécommande, un clic et il doit fonctionner. »
Corinne Vignon : « c’est en fouillant cette problématique que je me rends compte à quel point ce genre d’outils coercitifs est utilisé. »
NS : « vous parlez d’un outil, et au-delà de ça il faut aussi évoquer la méthode. Je vous ai fait suivre une photo, c’est une parmi d’autres, d’un directeur de centre d’éducation : il dit que puisqu’on n’a plus droit au collier, on utilisera des battes de baseball parce qu’elles ne font pas partie de la loi. […] Ce n’est pas l’outil qui est dangereux, c’est évidemment la personne qui l’utilise. »
CV : « Je suis tout à fait de votre avis, l’outil ne suffit pas. […] Il est possible de faire travailler un chien […] sans violence. Et d’ailleurs, sur la proposition de loi, que me dit le ministère de l’Intérieur, c’est-à-dire la police et la gendarmerie ? Ils me disent ok pour la loi ! »
Avant de parler d’outil et de méthode, la question centrale est la nécessité de recourir à l’éducation : apprendre à son animal un comportement ou une position ne devrait se faire que pour un besoin de sécurité, de civilité, ou d’utilité si l’animal obtient en retour un avantage pour lui-même. Vient ensuite la modalité de cet enseignement, et ici la science du comportement répond de façon claire : la violence donne de moins bons résultats que l’éducation « positive » ! Il s’agit en particulier de mettre en place une relation de confiance avec son animal, qui sera alors plus participatif… et plus heureux. La difficulté de cette démarche repose sur un seul facteur : le temps, celui qui est nécessaire pour établir puis conserver un lien de confiance avec son compagnon, tandis que la paresse intellectuelle ou l’attention médiatique nous encourage à aller vite, fort et spectaculaire, donc à taper, blâmer, punir…
L’éducation « positive » face aux achats impulsifs
Il est actuellement très difficile de savoir à quel professionnel faire confiance, puisque le secteur animalier, et le métier d’éducateur canin en particulier, est peu réglementé. Certains prônent l’autorité, d’autres la tendresse, certains cachent leurs intentions sous des qualificatifs trompeurs… L’éducation « positive » se définit selon 3 axes : la compréhension de l’animal, l’explication au détenteur, et la mise en place de règles. Bien entendu, au XXIe siècle, il n’est pas utile d’user de violence pour faire respecter une règle : nous y parvenons entre humains à l’école, en club de sport ou en entreprise. Cela fait 20 ans que des méthodes bienveillantes existent dans notre relation aux animaux, il est temps de changer de paradigme, à la fois pour les propriétaires, pour les professionnels de l’éducation, et pour les éleveurs et vendeurs d’animaux.
CV : « la question n’est pas du tout qu’on mette le toutou de 30kg dans le lit parce qu’on fait du positif ! […] On a aussi la problématique, si on va plus loin, des éleveurs. […] Puisqu’un chiot – et ce n’est pas à vous que je vais l’apprendre – qui a été élevé dans un box chez un éleveur, qui n’a pas été sociabilisé ou qu’on a retiré à la mère un peu trop tôt, nécessairement ça va être un chien angoissé, stressé, anxieux, avec un comportement déjà pas franchement positif. Donc là aussi, lorsque vous avez l’ACACED vous pouvez être éleveur. Mais dans quelles conditions ? Est-ce qu’il y a un vrai contrôle ? je dis non. »
NS : « il y a une loi qui est passée, qui est très bien, en 2021 [loi visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes] justement pour qu’il n’y ait plus de ventes sur internet. Mais ça continue. »
CV : « l’interdiction des chiens et des chats en animalerie, ça c’est positif. On n’avait pas obtenu à l’époque l’arrêt des salons. Là aussi il y a quelque chose à faire : le salon du chiot, c’est encore un achat impulsif. […] Avoir un chien c’est une grande joie mais c’est également une servitude et il faut pouvoir l’assumer, sinon on n’a pas de chien. »
NS : « le certificat d’engagement [et de connaissances, obligatoire pour adopter un chien, un chat, un lapin et un furet depuis octobre 2022] pourrait répondre à cela s’il était plus contraignant. […] Vous avez l’exemple de votre collègue Nathalie Dehan avec tout ce qui se fait dans le Grand Lyon : 4h30 [de sensibilisation et d’éducation canine] sont offertes pour les adoptants… »
CV : « Changer les mentalités, ça prend du temps. Je veux agir sur cette loi de 99 [chiens dits « dangereux » et catégorisés], je veux agir sur les hyper-types [accentuation de certains caractères physiques selon des critères « de beauté » provoquant des douleurs physiques et/ou neurologiques graves] : […] on rend des animaux malades, c’est de la maltraitance par exemple quand ça atteint les voies respiratoires. […] J’espère que la loi va être présentée au Sénat le plus vite possible parce qu’il faut battre le fer tant qu’il est chaud. […] Je pense qu’il faut aller vite là-dessus de façon à ce qu’on embraye derrière sur la formation des éducateurs, le contrôle, etc. »
Nombre de décrets ne sont pas encore parus au Journal Officiel suite à la loi de 2021. Elle aura au moins eu le mérite de mettre le bien-être animal sur le devant de la scène. Quant au certificat d’engagement et de connaissances, il a déjà été revu 2 mois après son officialisation, car des détournements et abus avaient été repérés… Néanmoins, nombreux sont désormais les acteurs motivés pour pousser ce projet de loi PPL577 et encourager les sénateurs à le voter.
La reconnaissance et la structuration des métiers du secteur animalier comme garantie pour les propriétaires d’animaux domestiques
Quand ils se tournent vers des professionnels ou des associations, les personnes possédant des animaux de compagnie ont besoin d’être assurées d’obtenir une information, des accessoires et des conseils fiables, respectueux de leurs compagnons à poils, à plumes ou à écailles. Pour ce faire, un cadre de travail réglementé est nécessaire, rappelant qu’une base éthique et scientifique est indispensable pour exercer ces métiers d’éducateur canin, de comportementaliste, d’éleveur, de pensionneur, de toiletteur… Trop d’idées reçues et de mensonges circulent, il y a du ménage à faire ! Cependant, la formation professionnelle est actuellement valorisée selon des critères purement administratifs : les formations référencées au Répertoire National des Certifications Professionnelle (RNCP, qui donne par exemple droit à l’utilisation du Compte Personnel de Formation, CPF) ne sont pas jugées sur leurs contenus. Même à l’intérieur du Brevet Professionnel Educateur Canin version 2023, des « facteurs d’évolution et de variabilité en cours » sur les « méthodes d’éducation positive » évoquent une prénonisation face à des « attentes des propriétaires de chiens », laissant le champ libre à interprétation.
CV : « lorsque vous voulez être coiffeur, vous passez un CAP […] ils ont tous la même formation ! Mais comment se fait-il que pour ce métier on ait 12.000 formations, 12.000 méthodes ? Ce n’est pas possible ! »
NS : « La loi dit aujourd’hui qu’on ne doit pas maltraiter son animal pour faire de l’éducation canine, en tous cas ne pas lui imposer des souffrances… ‘’inutiles’’ ! Donc tant qu’on jouera sur les mots… »
CV : « ‘’inutile’’, ça peut être ‘’utile’’, évidemment. […] La SCC [Société Centrale Canine, qui gère les clubs en France] ne fait aucun contrôle, donc on peut faire absolument ce qu’on veut avec les chiens. […] Cette histoire de formation et de contrôle me semble essentielle. […] C’est pour ça que ce champ « collier électrique » va beaucoup plus loin, et je peux vous assurer que j’y mettrai toute mon énergie à régler cette problématique. »
Merci à nos élus qui, quels que soient leurs bords politiques, s’engagent pour le mieux-être animal !