Jessica Christ, comportementaliste canin et félin, nous livre ses réflexions sur le comportement félin
dans le journal Les Dernières Nouvelles d’Alsace.
Voici l’article paru dans l’édition du 14 février 2021.
Perte de confiance, votre chat autrefois si proche de vous et câlin, se met à vous éviter et à vous fuir. Comment rétablir l’équilibre ? Quelles sont les causes de ce changement de comportement ?
Le traumatisme et l’adaptation
Une situation bouleversante s’est produite. Cela peut être une grosse crise de nerfs de votre part accompagnée d’une remontrance, une distance que vous avez placée sans vous en rendre compte en changeant de travail ou en accueillant un bébé, cela peut aussi être un simple déménagement… Nombreuses sont les raisons qui peuvent pousser votre chat à vous éviter, par crainte ou en cherchant simplement à s’adapter à une nouvelle situation.
Chaque animal connaît sa propre réalité, nous y compris. C’est une notion développée par Jakob von Uexküll qui tend à démontrer l’importance des sens, du bagage émotionnel et physique dans la perception subjective de l’environnement d’un individu. Ce « monde propre » existe alors pour chacun et la notion de réalité au sens tout à fait objectif et collectif du terme devient presque inexistante.
Pour rendre ce concept plus parlant, disons que vous êtes un immense bipède aux yeux d’un chat qui évolue dans un environnement sensoriel fort. Ce dernier, en avançant dans un salon se frotte au pied de la table basse en y déposant ses phéromones. Cette activité l’apaise, elle lui est nécessaire, c’est un besoin. En sentant le bas du canapé en cuir, il détecte l’odeur d’un chien. Ce dernier est venu ce matin alors même que le chat était enfermé dans une chambre pour ne pas le croiser mais cet accès restreint à son environnement a engendré beaucoup de frustration chez le miauleur qui reprend son investigation olfactive dans le salon. Chien stressé, parfum boisé, goutte de café au sol… Tout est passé au peigne fin. Le matou se dirige alors dans un coin entre le mur et le cuir empreint de l’odeur du canidé et de quelques poils lui appartenant. Devant la table basse l’humain s’active pour débarrasser, stimulant fortement la vision du petit prédateur qui réprime une poursuite. Le stress de l’humain flottant dans l’air ajoute une dernière goutte de frustration dans la jauge émotionnelle bien remplie du chat. Celui-ci fait alors ses griffes sur le cuir du canapé afin de déposer son marquage, de se débarrasser de son inconfort émotionnel et de recouvrir olfactivement l’odeur du visiteur canin. Acculé dans son recoin, l’arrivée à grand pas de l’humain chargé de colère et criant effraie profondément le petit félin qui n’a aucune possibilité de fuite. Après cet épisode anecdotique pour l’humain, le chat, lui, sera plus distant et méfiant.
La confiance se regagnera simplement à l’aide de douceur et d’approches positives agrémentées de friandises et de caresses (si elles sont désirées). Plus vous accumulez des situations effrayantes et punitives, plus votre chat ira vers un conditionnement non désiré. La punition n’étant pas comprise et ne générant que de la frustration, qui, comme vous l’avez vu, nécessite un soulagement, celle-ci est inutile.
Pour ce qui est des distances liées à un besoin d’adaptation comme pour un déménagement, les approches douces sont recommandées ainsi que le fait de laisser l’espace nécessaire à l’animal afin de prendre ses marques dans un nouvel environnement. Si nous avons appris à quoi ressemblait une vie enfermée au cours de l’année passée, considérez le fait que pour un animal aux comportements de marquages de territoire dont les murs d’un appartement sont les seuls paysages connus, l’adaptation à un nouveau monde n’est pas une mince affaire ! Sur ces conseils de douceur, beau dimanche à tous les chamoureux !
Jessica CHRIST – La petite Griffe