Colette Bock, comportementaliste canin et félin, nous livre ses réflexions sur le comportement canin
dans le journal Les Dernières Nouvelles d’Alsace.
Voici l’article paru dans l’édition du 3 janvier 2021.
Avec les confinements et autres restrictions sociales, ça faisait longtemps que je n’avais pas vu mes copains. Mais hier soir, ils sont venus à la maison, enfin ! Promis, il n’y avait pas plus de 6 adultes à table et les enfants ne comptent pas. Quelques accolades, tapes sur l’épaule, un mot sympa de chacun : tout annonçait une soirée pleine de bonne humeur. Les enfants s’amusent ensemble, quelques pleurs vu leur jeune âge mais ils finissent par trouver un terrain d’entente. Les adultes, quant à eux, les ignorent, trop contents de pouvoir eux aussi enfin profiter. Hiver oblige, c’était soirée raclette… avec toutes ces bonnes odeurs : fromage fondu, lardons, charcuteries à gogo comme savent le faire les alsaciens. Un délice pour les narines !
Après le repas, sentant la fatigue me gagner, je m’installe confortablement au salon à l’écart des éclats de voix. Tentative vaine : les enfants me suivent et leurs cris et jeux agités me dérangent. Je me déplace encore. Mes paupières sont lourdes, les voix au loin semblent s’éloigner à mesure que le sommeil me gagne. Je rêve de mes longues balades entre plaine et vignes, je rêve de ces parties de frisbee dans les champs… quand tout à coup, tel un éclair dans ce paysage sans nuage, mon corps est oppressé par un poids, je ne comprends pas tout de suite, la panique me saisit, je me redresse en sursaut, me débats et sors les crocs pour faire reculer le danger.
Mon humain fonce déjà sur moi, me gronde avec une grosse voix et me tire à l’écart de mon panier. Il me faudra encore quelques secondes pour être totalement réveillé et me replonger dans la réalité. Le petit humain qui s’est appuyé sur moi pour une étreinte pleure mais n’a rien d’autre qu’une grosse frayeur. Les adultes le cajolent, lui, et montrent qu’on punit le “méchant chien”.
Dommage… ni moi, ni l’enfant n’aurons appris de cet incident : perturbé dans le sommeil, ce sont des réflexes primaires qui s’expriment. Qui ne serait pas un brin grognon lors d’un réveil en sursaut ? Les réprimandes ne pourront pas avoir d’impact là-dessus car je n’étais pas maître de mes réactions et endormi, je ne pourrai jamais l’être. Tant qu’on me prendra pour celui sur qui pèsent toutes les responsabilités sans remettre en question la surveillance des adultes et le comportement des plus petits vis-à-vis du respect de mon sommeil et de ma tranquillité, tout ceci pourrait bien recommencer.